Le Cross-Trade (ou commerce triangulaire), est une pratique très courante dans le commerce international. Cette stratégie permet de vendre des marchandises entre plusieurs pays sans qu’elles transitent par le pays du vendeur.
Cette méthode présente de nombreux avantages, notamment en termes de réduction des coûts logistiques, optimisation fiscale et amélioration des délais de livraison. Cependant, elle implique également des contraintes réglementaires et douanières qu’il est crucial de maîtriser.
S’il est bien utilisé, le Cross-Trade peut être un véritable levier de compétitivité pour les entreprises évoluant dans l’import/export.
Table des matières
Dans cet article, nous explorerons en détail le fonctionnement du Cross-Trade, ses bénéfices, les défis qu’il pose et les bonnes pratiques pour une gestion efficace.
Qu’est-ce que le Cross-Trade ?
Le Cross-Trade, également appelé commerce triangulaire, désigne une opération commerciale où une entreprise (le vendeur) vend un produit à un client situé dans un pays tiers, sans que la marchandise ne transite par le pays d’origine du vendeur.
Exemple : Une entreprise française achète un produit à un fournisseur en Chine. Plutôt que d’importer le produit en France, elle le fait directement expédier vers un client au Brésil. L’entreprise française facture le client brésilien, bien que la marchandise ne passe jamais par la France.

Ce schéma permet d’économiser du temps et des frais logistiques, tout en simplifiant les flux de marchandises.
Pourquoi utiliser le Cross-Trade ?
L’un des principaux avantages du Cross-Trade est l’économie sur les coûts de transport et de stockage. En évitant un passage inutile par un pays intermédiaire, les entreprises réduisent :
Le commerce triangulaire peut permettre d’optimiser la TVA et les droits de douane. En fonction des accords commerciaux entre les pays impliqués, une entreprise peut réduire les coûts liés aux taxes en expédiant directement depuis un pays fournisseur vers le client final.
📌 Exemple : Une société basée en Suisse, un pays hors de l’UE, peut acheter un produit en Allemagne et le revendre à un client au Canada sans que la marchandise ne passe par la Suisse, évitant ainsi certaines obligations fiscales locales.
Quels documents établir dans le cadre d’un Cross-Trade ?
Une documentation précise est essentielle pour assurer une conformité douanière et fiscale. Voici les principaux documents à établir :
La coordination entre toutes les parties prenantes et une gestion rigoureuse de ces documents sont cruciales pour le succès d’une opération de Cross-Trade.
Le risque de perte de confidentialité
Le Cross-Trade implique un intermédiaire (B) qui achète des marchandises à un fournisseur (A) et les revend directement à un client final (C) sans que les marchandises ne transitent physiquement par son pays. Cette configuration soulève une problématique majeure de confidentialité entre les différents acteurs de la transaction.
Quelles sont les différentes fuites possibles ?
- Révélation des parties prenantes : Le fournisseur (A) et le client final (C) peuvent découvrir leurs identités respectives à travers les documents de transport, notamment le connaissement maritime (Bill of Lading – B/L) ou la lettre de transport aérien (AWB). Si le client final (C) identifie le fournisseur (A), il peut tenter de court-circuiter l’intermédiaire (B) en achetant directement à la source.
- Accès aux informations sensibles : Les prix d’achat et de vente peuvent être visibles dans certains documents si ceux-ci ne sont pas correctement gérés. Les autorités douanières, les transitaires ou les compagnies de transport peuvent avoir accès aux valeurs commerciales, compromettant la marge bénéficiaire de l’intermédiaire.
Comment préserver la confidentialité dans un Cross-Trade ?
Comprendre le rôle des Incoterms en Cross-Trade
Le choix d’un incoterm en cross-trade est crucial car il détermine les responsabilités du fournisseur et de l’intermédiaire en matière de transport, de formalités douanières et de risques. Un bon choix d’incoterm permet de sécuriser la transaction et d’optimiser la gestion des coûts. Un mauvais choix peut quant à lui entraîner des coûts imprévus, des retards ou des complications logistiques.
Qu’est-ce qu’un Incoterm ? Un Incoterm (International Commercial Term) est une règle internationale qui définit :
Dans le cadre d’une livraison en Cross-Trade, un incoterm devra être identifié à l’achat (entre l’intermédiaire et le fournisseur) et à la vente (entre l’intermédiaire et le client final).
Afin de découvrir et comprendre la signification des incoterms en vigueur, nous vous conseillons de lire notre article sur le sujet ici.
Les critères pour choisir le bon Incoterm
Afin de choisir le bon incoterm, vous devrez vous poser les questions suivantes :
Tableau récapitulatif des Incoterms adaptés au Cross-Trade
Incoterm | Qui gère l’export ? | Qui paie le transport ? | Qui gère l’import ? | Niveau de responsabilité du vendeur |
---|---|---|---|---|
EXW | Acheteur | Acheteur | Acheteur | Très faible |
FOB | Vendeur | Acheteur | Acheteur | Faible |
CIF | Vendeur | Vendeur | Acheteur | Moyen |
DAP | Vendeur | Vendeur | Acheteur | Élevé |
DDP | Vendeur | Vendeur | Vendeur | Très élevé |
Le meilleur choix dépend de votre stratégie commerciale et de vos capacités logistiques !
Des tableaux récapitulatifs des Incoterms 2020 sont également disponibles sur le site douane.gouv.
Les enjeux fiscaux du Cross-Trade
Dans une opération de Cross-Trade, où les marchandises sont expédiées directement du pays du fournisseur (A) vers le pays du client final (B) sans transiter par le pays du vendeur (C), la preuve d’exportation devient un sujet sensible.
Elle est essentielle pour :
Dans un schéma classique d’exportation (sans cross-trade), une entreprise française qui exporte hors de l’UE récupère la preuve via le document douanier d’exportation (DAU EXA en France).
Dans un cross-trade, la marchandise ne passe pas par le pays du vendeur. L’administration fiscale française pourrait alors exiger une preuve que la transaction concerne bien une exportation réelle et non une simple vente nationale déguisée.

L’objectif est donc de prouver que la marchandise ne doit pas être soumise à la TVA et autres taxes dans le pays du vendeur.
Un défaut de preuve peut entraîner un redressement fiscal, des sanctions douanières et/ou des litiges avec les clients ou les administrations.
Quels documents constituent une preuve d’exportation en Cross-Trade ?
Dans le cadre d’une opération en Cross-Trade, où les marchandises sont expédiées directement du pays du fournisseur (A) vers le pays du client final (B) sans transiter par le pays du vendeur (C), la preuve d’exportation est cruciale pour justifier l’exonération de TVA et se conformer aux obligations douanières. Les documents suivants constituent des preuves d’exportation dans ce contexte :
Il est essentiel de conserver ces documents pendant une période de 6 ans pour se conformer aux exigences fiscales et douanières, et pour pouvoir les présenter en cas de contrôle ou d’audit.
Cas pratique : Un Cross-Trade réussi
Une entreprise française (TechParts Europe), spécialisée dans la vente de composants électroniques, reçoit une commande d’un client basé au Canada pour des cartes électroniques spécifiques. Plutôt que d’importer ces composants en France avant de les réexpédier, TechParts Europe décide d’organiser un cross-trade en expédiant directement la marchandise depuis son fournisseur basé en Chine vers son client canadien.
Les parties impliquées :
- Fournisseur : Shenzhen Electronics Ltd. (Chine)
- Vendeur (intermédiaire) : TechParts Europe (France)
- Client final : Innovatech Canada (Canada)
- Transitaire : Global Freight Logistics (chargé du transport et des formalités douanières)
Incoterm d’achat : EXW
=> Le fournisseur ne prend en charge aucune formalité.
Incoterm de vente : CIP
=> L’intermédiaire prend donc en charge le transport et l’assurance jusqu’à l’aéroport de destination au Canada.
Vendeur : Paie le transport et l’assurance jusqu’au lieu de destination convenu.
Acheteur : Paie les droits d’importation, les coûts après l’arrivée au lieu de destination convenu.
Étapes clés de l’opération
Une facture est émise par le vendeur (intermédiaire) à son client canadien. TechParts Europe contacte Global Freight Logistics pour organiser le transport. Le fournisseur chinois prépare la marchandise et la remet au transitaire en Chine.
Le transport aérien est choisi pour une livraison rapide. Un LTA (lettre de transport aérien) sera donc émise.
Un House Bill of Lading (HBL) émis par le transitaire afin de masquer les véritables expéditeurs et destinataires.
Documents préparés :
Etant donné qu’il n’existe pas d’accord préférentiel entre la Chine et le Canada, il n’y a pas besoin de fournir de certificat d’origine.
A l’importation au Canada, le transporteur remet les documents à la douane canadienne. Le client canadien dédouane la marchandise. Une fois la marchandise dédouanée, elle est livrée.