Dans le cadre de sa politique ambitieuse de neutralité carbone à l’horizon 2050, l’Union Européenne a mis en place un outil inédit : le MACF (Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières).
Ce mécanisme douanier et environnemental s’inscrit dans une refonte en profondeur des règles du commerce international, avec des conséquences concrètes pour les importateurs, les exportateurs, les logisticiens, et les autorités douanières.
Table des matières
Le MACF, c’est quoi ?
Le Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF), ou Carbon Border Adjustment Mechanism (CBAM) en anglais, est un dispositif réglementaire mis en place par l’Union Européenne pour intégrer le coût du carbone dans le prix des produits importés à forte intensité d’émissions de gaz à effet de serre.
Depuis 2005, l’Union Européenne dispose d’un Système d’échange de quotas d’émission (SEQE ou EU ETS), qui impose aux industriels européens de payer pour leurs émissions de CO2. Cela crée un surcoût pour les entreprises européennes, que leurs concurrentes hors UE ne supportent pas. Par conséquent, certaines industries délocalisent leur production dans des pays aux normes environnementales plus souples, entraînant une « fuite de carbone » sans bénéfice global pour la planète.

Le MACF vise plusieurs objectifs :
01/
Équité carbone concurrentielle
Aligner le coût du carbone des produits importés sur celui des produits fabriqués dans l’UE, soumis au Système d’échange de quotas d’émission (EU ETS).
02/
Prévention des « fuites de carbone«
Eviter le déplacement de la production des entreprises vers des pays aux réglementations environnementales moins strictes.
03/
Incitation à la décarbonation mondiale
Encourager les pays tiers à adopter des politiques de réduction des émissions de carbone.
Le texte fondateur du MACF (Règlement (UE) 2023/956), publié le 10 mai 2023, définit le cadre juridique de ce mécanisme.
Quels produits sont concernés ?
Le MACF est mis en œuvre progressivement. Depuis octobre 2023, une phase transitoire est en place. Elle concerne 6 grandes catégories de produits à forte intensité carbone :
- Ciment
- Fer et acier
- Aluminium
- Engrais
- Hydrogène
- Électricité
La liste des codes douaniers (codes NC) concernés par le MACF est disponible dans l’annexe I du règlement d’exécution (UE) 2023/956. Cette annexe détaille les produits soumis au MACF, classés par secteur, avec les codes NC correspondants et les gaz à effet de serre pertinents.
À terme, le mécanisme pourrait s’étendre à d’autres secteurs, comme les polymères, les produits chimiques organiques, ou encore les biens manufacturés en aval (ex : voitures, machines).
Calendrier de mise en œuvre
Le MACF se déploie en plusieurs étapes :
- 1er octobre 2023 – 31 décembre 2025 : Phase transitoire
- Obligation de déclaration trimestrielle des émissions incorporées dans les produits importés.
- Aucun paiement de droits carbone pendant cette phase.
- 1er janvier 2026 : Phase définitive
- Les importateurs devront acheter des certificats MACF couvrant les émissions de CO2 associées à leurs importations.
- Le prix sera indexé sur le marché européen du carbone (EU ETS).
- 2034 : Fin des allocations gratuites de quotas carbone pour les producteurs européens. Le MACF prendra le relais pour protéger l’industrie locale.

Comment fonctionne le MACF en pratique ?
Les importateurs doivent déclarer :
- Les émissions directes liées à leur production
- Les émissions indirectes (ex : électricité utilisée), selon les produits
Cette déclaration repose sur des données fournies par les producteurs non européens, ou à défaut, sur des valeurs par défaut fixées par la Commission européenne.
Pour ce faire, les entreprises devront acheter des certificats MACF sur une plateforme dédiée. Le prix de ces certificats sera équivalent au prix moyen des quotas ETS sur le marché du carbone européen.
Exemple : si une tonne de CO2 vaut 80 € sur l’ETS, l’importateur devra payer environ 80 € par tonne de CO2 incorporée dans son produit.
Les déclarations liées au Mécanisme d’Ajustement Carbone aux Frontières (MACF) doivent être déposées sur le registre MACF, une plateforme électronique mise en place par la Commission européenne. En France, l’accès à ce registre s’effectue via le portail national des douanes.
Une fois connecté au registre MACF, vous pourrez :
- Déposer vos déclarations trimestrielles concernant les émissions incorporées dans les produits importés
- Gérer vos certificats MACF (achat, restitution, etc.) à partir de 2026, lorsque le paiement deviendra obligatoire
Pour plus d’informations sur la procédure d’accès et de déclaration, vous pouvez consulter la page dédiée sur le site des douanes françaises .
Les déclarations devront être vérifiées par des organismes accrédités. Des sanctions sont prévues en cas de non-conformité, y compris des amendes financières ou la suspension de l’autorisation d’importer.
Le règlement d’exécution (UE) 2023/1773 précise les modalités de déclaration, de calcul des émissions et de vérification.
Qui est concerné par le MACF ?
Les importateurs établis dans l’UE sont les premiers concernés. Ils doivent :
- S’enregistrer comme déclarants MACF auprès des autorités nationales
- Réaliser les déclarations d’émissions dès la phase transitoire
- Acheter et restituer les certificats MACF à partir de 2026
Notre conseil : Privilégiez l’incoterm d’achat DDP afin de ne pas avoir à déclarer vos émissions.
Les exportateurs hors UE devront fournir les données d’émissions à leurs clients européens, et potentiellement adapter leurs processus de production pour rester compétitifs.
Quels impacts pour la Supply Chain ?
Le MACF aura des répercussions profondes sur les chaînes d’approvisionnement mondiales.
Les importateurs pourraient privilégier des producteurs ayant une empreinte carbone plus faible ou capables de fournir des données précises sur leurs émissions. Certains pays pourraient donc perdre des parts de marché au profit de partenaires plus “verts”.
Egalement, les délais douaniers risquent d’être rallongés. En effet, la collecte et la vérification des données d’émission risquent de ralentir les opérations douanières. Il faudra donc intégrer cette contrainte dans les plannings logistiques.
Les entreprises devront se doter d’outils de traçabilité et de suivi environnemental pour répondre aux exigences déclaratives du MACF. Cela pourrait donc créer de nouvelles synergies entre les services douane, RSE et supply chain.
Quels risques et opportunités ?
L’entrée en vigueur du MACF ne doit pas être vue uniquement comme une contrainte réglementaire ou fiscale. Elle représente aussi une opportunité stratégique pour les entreprises qui sauront s’y adapter rapidement. En effet, les importateurs qui parviennent à sélectionner des fournisseurs affichant une empreinte carbone faible ou disposant de données environnementales fiables pourront bénéficier d’un avantage compétitif sur le marché européen. Ils seront en mesure d’importer à des coûts moindres tout en répondant aux attentes croissantes des consommateurs, des investisseurs et des partenaires commerciaux en matière de durabilité. Le MACF devient alors un levier de différenciation positive, incitant à reconfigurer sa supply chain dans une logique de performance environnementale.
D’un point de vue plus global, les entreprises qui anticipent le fonctionnement du mécanisme pourront développer de nouvelles compétences internes (calcul d’émissions, évaluation de l’empreinte carbone, conformité réglementaire), ce qui leur ouvrira de nouvelles perspectives, notamment dans la structuration de leur politique RSE ou dans le développement de labels environnementaux. De plus, cette transition vers des chaînes d’approvisionnement plus propres pourra, à terme, générer des économies d’échelle, notamment via des processus industriels plus efficaces sur le plan énergétique.

Mais ces opportunités ne sont pas sans contrepartie. L’application du MACF s’accompagne de nombreux défis opérationnels et financiers. Le premier risque réside dans l’augmentation des coûts d’importation, en particulier pour les entreprises fortement dépendantes de fournisseurs situés dans des pays à forte intensité carbone. À partir de 2026, ces importateurs devront acheter des certificats MACF, ce qui alourdira le coût final des marchandises concernées. Cela pourrait impacter leur compétitivité, surtout s’ils ne parviennent pas à répercuter ces surcoûts sur les prix de vente.
Un autre risque majeur est lié à la complexité des obligations déclaratives. Recueillir des données précises sur les émissions incorporées, les faire certifier par un organisme tiers, gérer l’achat et la restitution des certificats MACF : tout cela nécessite une organisation rigoureuse, de nouveaux outils numériques et parfois la refonte de certains processus. Les petites structures ou les entreprises peu familières avec les mécanismes du marché carbone pourraient se retrouver démunies face à ces nouvelles exigences.
Enfin, il existe un risque juridique et douanier non négligeable. En cas de déclaration inexacte ou incomplète, les autorités européennes pourront infliger des amendes, voire suspendre l’autorisation d’importer. Ce risque est d’autant plus réel que certaines données devront être fournies par des partenaires hors UE, parfois peu habitués à ce niveau d’exigence documentaire.